La digitalisation du marché de la formation passe-t-elle nécessite-t-elle d'autonomiser les formateurs dans la création de contenu ? Autrement dit faut-t-il nécessairement utiliser des outils auteurs ?
Toute entreprise constitue une immense source de richesses, de connaissances et savoir-faire, souvent fort dispersés et présents sous de multiples formats, mais aussi dans la tête des experts. Autant dire que cette connaissance court le risque d’être inutilisée, parcellisée, oubliée, devenant rapidement obsolète si personne ne prend soin de l’actualiser.
Aussi digitaliser la formation représente un immense défi pour les entreprises. Plusieurs formules sont possibles, que les organisations adoptent en plus ou moins grande mesure en fonction de leur niveau de maturité par rapport au Digital Learning :
Tout d’abord accéder aux contenus sur étagère, existant en grande quantité et à des coûts souvent avantageux voire sous forme gratuite. La prolifération des MOOCs, et une simple recherche sur Google qui nous ouvre une immense vitrine multithématique, en témoignent. De nombreux fournisseurs offrent aussi des cours dans tous les domaines, à des niveaux différents de prix et de qualité.
L’inconvénient de cette voie est que ces cours sont « standard » et ne s’adaptent pas forcément aux spécificités de l’entreprise, ni ne transmettent son savoir-faire, ses méthodes, les caractéristiques de ses produits/services.
- A l’opposé, on trouve la démarche qui consiste à faire développer des contenus sur mesure par un prestataire externe. Une entreprise spécialisée dans la conception pédagogique va se pencher sur le programme formatif de l’entreprise, et développer, avec des outils variés, des contenus formatifs multimédia s’adaptant aux besoins de celle-ci. L’interlocution avec les experts de l’entreprise sera un facteur-clé de la réussite du projet, et normalement le résultat sera un cours bien conçu, possédant un bon niveau d’interactivité, et s’adaptant aux besoins des apprenants.
Cette voie, malgré ses avantages sur le plan de la qualité obtenue, possède quelques inconvénients en termes d’efficacité et de productivité : tout d’abord, elle crée une dépendance de l’entreprise par rapport aux prestataires. Par ailleurs, elle distancie les experts internes du processus de conception pédagogique et de mise en ligne des contenus. Dans un contexte dynamique d’évolution permanente, dépendre de l’extérieur chaque fois qu’il faut faire un changement n’est pas la meilleure solution.
- La troisième voie consiste à impliquer le personnel de l’entreprise dans le processus de transformation digitale pour la fabrication des cours, depuis la conception pédagogique jusqu’à la mise en page. Elle passe forcément par l’appropriation et l’utilisation des outils auteur. Cette démarche s’inscrit dans la logique de la transformation digitale, et concilie les exigences de l’entreprise en termes de productivité avec la nécessaire adaptation des employés aux nouvelles technologies, méthodes et habitudes de travail.
Parmi ces trois démarches, il semble clair que seules les deux dernières sont susceptibles de le rentabiliser le capital humain de l’entreprise, à des degrés différents : dépendre des intervenants externes sera toujours à terme moins efficace que d’impliquer directement le personnel formatif de l’entreprise dans ce processus de virtualisation.
L’on peut même envisager une combinaison des deux afin d’arriver à un résultat optimal. Toutefois dans la pratique, afin d’assurer une totale transmission de l’information, il est important de ne pas séparer le processus de conception pédagogique de celui de digitalisation opérationnelle avec l’outil, et idéalement l’entreprise devra intégrer progressivement ces compétences afin d’assurer une totale autonomie des formateurs.
En conclusion, la digitalisation de la formation passe nécessairement par une autonomisation progressive des formateurs internes dans la création des contenus. Si l’on veut assurer la gestion et le partage des savoirs, il est nécessaire d’effectuer une actualisation permanente des connaissances inhérente à une réalité dynamique et en constante évolution.
Quelles sont les attentes des apprenants quand on parle de digitalisation de la formation ?
Parler des attentes des apprenants nous oblige à différencier celles-ci en fonction de leur génération. Ainsi l’arrivée des jeunes « Digital natives », introduit-elle des attentes et habitudes de travail très différentes de celles des générations précédentes.
La génération Y possède des attentes importantes en matière de formation et de développement des carrières : les programmes développés doivent être dynamiques, motivants, accrocheurs, innovants et basés sur le partage. Les cours doivent être disponibles et accessibles depuis ordinateurs, tablettes et smartphones. Finis les contenus trop textuels et plats, si l’on veut retenir les jeunes talents, la formation continue digitale peut être un formidable levier. Pour eux le monde du travail n’est pas synonyme de stabilité mais de carrière évolutive, à l’instar du monde dans lequel ils vivent. Ainsi le jeune professionnel va chercher à s’améliorer en permanence, et l’organisation doit lui fournir des outils lui permettant d’assouvir cette soif d’épanouissement personnel et professionnel.
La génération X, (35 à 49 ans), familiarisée avec le digital mais ayant dû s’y adapter plus tardivement, peut perdre un certain niveau de motivation au travail si l’entreprise ne lui fournit pas les éléments permettant d’assouvir son niveau d’auto-exigence. La formation en constitue l’une des clés les plus efficaces. Si elle leur permet de transmettre leur savoir-faire, leur contribution aux objectifs sera d’autant plus importante. L’on voit ici le rôle que peut jouer le Digital Learning, dès lors que ces personnes en sont les acteurs directs et sont impliquées, tant dans son utilisation que dans sa transmission.
La génération S, plus réfractaire aux nouvelles technologies, peut souffrir d’un certain ostracisme et être injustement traitée de « rétrograde » et de « has been ». Grave erreur, car les « seniors » constituent précisément un élément clé dans le processus de transformation digitale de la formation. Comment envisager ce processus sans faire appel aux experts, qui accumulent des années de travail au sein de l’organisation et possèdent des myriades de compétences dont le partage améliore l’efficacité globale de l’organisation ? D’autant que la plupart d’entre eux ne demandent qu’à être reconnus comme des acteurs à part entière, souhaitant donner un sens à leur mission ! Les entreprises doivent donc tirer parti de cet extraordinaire capital intellectuel, en les faisant participer activement à la digitalisation de la formation.
Aussi, la meilleure réponse à la question posée passe forcément par la mixité intergénérationnelle, qui permettra non seulement de bannir les préjugés, mais encore de conjuguer les atouts de chacun. Ainsi les plus jeunes peuvent aider les plus âgés dans l’appropriation des technologies, et les plus âgés peuvent transmettre la culture, les méthodes, les connaissances et le réseau. Toutes ces connaissances transmises, par le biais et sous la supervision de la Direction des Ressources Humaines, peuvent représenter un formidable levier pour réussir la formation digitale au sein de l’organisation.
Marie-Christine Jené
CEO et General Manager, IT et eLearning expert
www.easyprof.com/fr
Publi-reportage - 03/11/2016